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Paul-Émile Borduas, Groupement triangulaire, 1954
Estimate:
CA$35,000 - CA$45,000
Sold
CA$36,000
Timed Auction
BYDealers – Art canadien important / Important Canadian Art
ARTIST
Paul-Émile Borduas
Description
Techniques/Medium
Aquarelle et encre sur papier / Watercolour and ink on paper
Dimensions
45,7 x 61 cm / 18 x 24 in
Signatures
signée et datée au bas à droite; titrée au verso et sur un morceau de papier collé au dos de l'encadrement / signed and dated lower right; titled on verso and on a piece of paper affixed on the verso of the framing
Provenances
Galerie Dresdnere, Montréal
Waddington's Auctions, Canadian Fine Art, Toronto 25 May 2015 (lot 71)
Canadian Fine Art, Toronto
Collection particulière / Private collection, Toronto
Bibliographie/Literature
« Des aquarelles de Borduas, ce soir », Le Devoir, 16 juin 1954, col. 3.
GAGNON, François-Marc. Paul-Émile Borduas (1905-1960) : Biographie critique et analyse de l’œuvre, Montréal, Fides, 1978. Mention de l’œuvre aux pages 355, 356, 406 et 532. / Mention of the artwork on pages 355-356, 406 and 532.
GAGNON, François-Marc. Paul-Émile Borduas: A Critical Biography, trans. Peter Feldstein, Montréal and Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2013. Mention de l’œuvre aux pages 340 et 393. / Mention of the artwork on pages 340 and 393.
BORDUAS, Paul-Émile. Écrits II, tome 2 : 1954-1960, édition critique par André-G. BOURASSA et Gilles LAPOINTE, Montréal, Presses de l’Université de Montréal (BNM), 1997. Au no 7 de la liste des aquarelles expédiées à Max Stern le 22 août 1956 par la firme Arthur Lenars & Cie, p. 858-859.
« Ici l’enthousiasme est au plus haut point : l’espoir suit de près, et, la peinture, naturellement, s’en ressent. »
– Paul-Émile Borduas dans une lettre à Claude Gauveau, 26 avril 1954.
Installé depuis la fin d’avril 1953 dans un « charmant atelier de Provincetown » sis au 198 Bradfort Street, Paul-Émile Borduas profite d’un élan de renouveau dans sa production à l’huile et à l’aquarelle; cette dernière s’épanouit avec grâce au printemps 1954. Une fournée printanière riche et lumineuse qui comprend une vingtaine d’aquarelles, dont Groupement triangulaire (1954). Borduas transmet son enthousiasme à Marcelle Ferron, qui vit alors à Paris, dans une lettre datée du 19 juin 1954 : « J’ai l’impression de pénétrer de plus en plus le noyau : au centre devrait exister la plus vertigineuse sérénité. »
Les « aquarelles du printemps », dixit Gérard Lortie, ont ceci de particulier qu’elles s’affranchissent peu à peu des éléments plastiques des aquarelles de 1950-1951. L’aire picturale se délie et les signes graphiques adoptent tantôt une grille orthogonale, tantôt une forme calligraphique plus dansante, comme c’est le cas dans la présente œuvre. Qui plus est, les aquarelles à format horizontal s’inscrivent dans une veine résolument végétale et rhizomatique de laquelle Groupement triangulaire se distingue quelque peu. Selon l’historien de l’art François-Marc Gagnon, cette aquarelle « évoque une sorte de paysage abstrait. Les plans s’y succèdent dans l’espace et le “groupement triangulaire” que le peintre a voulu y voir s’impose beaucoup moins à l’œil que cette impression de récession en profondeur ». En effet, comme le jusant d’une marée, les éléments se retirent et s’éloignent doucement au large, suggérant un mouvement de balancier, un « balancement heureux », où l’on devine le clapotis des vagues.
Gagnon propose une parenté stylistique avec les compositions à l’huile de la même période. « Le registre ocre pâle et brun de celles-ci a été remplacé par un vert transparent et des noirs, signifiant le passage de l’hiver au printemps. La scène est la même. Seul le décor a changé comme il convient alors qu’on s’apprête à évoquer les frondaisons et les branches » [nous soulignons]. En somme, Groupement triangulaire garde en mémoire la grille spatiale de sa production récente tout en desserrant les nœuds et les mailles, qui aboutissent à un éploiement plus naturel. On observe également cette tendance dans les aquarelles Dentelle métallique (1954), Les grâces enchantées (1954, coll. de l’Agnes Etherington Art Centre), La magie des signes (1954, coll. du Musée d’art contemporain de Montréal) et Les promesses du vin (1954, coll. du Musée des beaux-arts du Canada).
En juin 1954, une partie de cette production fait l’objet d’une exposition au Lycée Pierre-Corneille, à Montréal, exposition improvisée par Gilles Corbeil, qui profite du passage éclair de Borduas dans la métropole. Les 18 aquarelles y figurent quelques jours seulement, puisque « les œuvres doivent [ensuite] reprendre le chemin de New York avec leur auteur », apprend-on dans un article du Devoir. Bien que la liste des titres n’ait pas été conservée, Groupement triangulaire a certes pu en faire partie avant d’être expédiée à Paris, puis de nouveau à Max Stern avec un lot de toiles et d’aquarelles le 22 août 1956. En parfaite condition, elle s’offre ici dans la douceur de ses flots, tel un véritable retour aux origines.
(Annie Lafleur)
--
“Enthusiasm abounds here: hope follows close behind, and, naturally, the painting reflects that.”
– Paul-Émile Borduas in a letter to Claude Gauveau, April 26, 1954.
After moving into a “charming studio in Provincetown” at 198 Bradfort Street, in late April 1953, Paul-Émile Borduas capitalized on a renewed sense of momentum to produce a series of oils and watercolours, the latter of which truly blossomed in the spring of 1954. That rich, luminous group of about twenty watercolours included Groupement triangulaire (1954). In a letter dated June 19, 1954, to Marcelle Ferron, who was living in Paris at the time, Borduas shared his enthusiasm: “I sense that I’m getting closer and closer to the heart of the matter: the centre should be tremendously serene.”
The ”spring watercolours,” as Gérard Lortie called them, are distinct in that they gradually move away from the formal elements in his 1950–51 watercolours. The pictorial surface becomes freer and the graphic elements follow sometimes an orthogonal grid, sometimes a more dance-like calligraphy, as is the case in this work. Moreover, the horizontal watercolours are part of a resolutely botanical and rhizomatic vein, from which Groupement triangulaire differs somewhat. According to art historian François-Marc Gagnon, this watercolour “evokes a sort of abstract landscape. The planes recede in space and the ‘triangular grouping’ that the painter sees is much less striking than his impression of recession.” Indeed, like an ebbing tide, the elements abate and softly fade away, suggesting the movement of a pendulum, a “joyful swaying,” in which one can almost hear the lapping of the waves.
Gagnon points out a stylistic kinship with the oil compositions of that period. “The pale ochre and brown palette of the oils is replaced here by transparent green and blacks, signifying the passage from winter to spring. The scene is the same. Only the décor has changed, as is appropriate when one prepares to evoke foliage and branches” (emphasis added). In short, Groupement triangulaire retains the memory of the spatial grid from Borduas’s then-recent production while loosening its knots and links, resulting in a more natural unfurling. We can also observe this tendency in his watercolours Dentelle métallique (1954), Les grâces enchantées (1954, collection of the Agnes Etherington Art Centre), La magie des signes (1954, collection of the Musée d’art contemporain de Montréal) and Les promesses du vin (1954, collection of the National Gallery of Canada).
In June 1954, selected works from this group were exhibited at the Lycée Pierre-Corneille in Montréal in an improvised exhibition organized by Gilles Corbeil, who took advantage of Borduas’s brief passage through town. The eighteen watercolours were on view only a few days, since “the works must [then] travel to New York with the artist,” according to an article in Le Devoir. Although a list of works was never preserved, Groupement triangulaire was likely part of that exhibition before being shipped to Paris and then back to Max Stern on August 22, 1956, as part of a lot of oils and watercolours. Beautifully preserved, its gently lapping waves have now returned to their home shore.
Aquarelle et encre sur papier / Watercolour and ink on paper
Dimensions
45,7 x 61 cm / 18 x 24 in
Signatures
signée et datée au bas à droite; titrée au verso et sur un morceau de papier collé au dos de l'encadrement / signed and dated lower right; titled on verso and on a piece of paper affixed on the verso of the framing
Provenances
Galerie Dresdnere, Montréal
Waddington's Auctions, Canadian Fine Art, Toronto 25 May 2015 (lot 71)
Canadian Fine Art, Toronto
Collection particulière / Private collection, Toronto
Bibliographie/Literature
« Des aquarelles de Borduas, ce soir », Le Devoir, 16 juin 1954, col. 3.
GAGNON, François-Marc. Paul-Émile Borduas (1905-1960) : Biographie critique et analyse de l’œuvre, Montréal, Fides, 1978. Mention de l’œuvre aux pages 355, 356, 406 et 532. / Mention of the artwork on pages 355-356, 406 and 532.
GAGNON, François-Marc. Paul-Émile Borduas: A Critical Biography, trans. Peter Feldstein, Montréal and Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2013. Mention de l’œuvre aux pages 340 et 393. / Mention of the artwork on pages 340 and 393.
BORDUAS, Paul-Émile. Écrits II, tome 2 : 1954-1960, édition critique par André-G. BOURASSA et Gilles LAPOINTE, Montréal, Presses de l’Université de Montréal (BNM), 1997. Au no 7 de la liste des aquarelles expédiées à Max Stern le 22 août 1956 par la firme Arthur Lenars & Cie, p. 858-859.
« Ici l’enthousiasme est au plus haut point : l’espoir suit de près, et, la peinture, naturellement, s’en ressent. »
– Paul-Émile Borduas dans une lettre à Claude Gauveau, 26 avril 1954.
Installé depuis la fin d’avril 1953 dans un « charmant atelier de Provincetown » sis au 198 Bradfort Street, Paul-Émile Borduas profite d’un élan de renouveau dans sa production à l’huile et à l’aquarelle; cette dernière s’épanouit avec grâce au printemps 1954. Une fournée printanière riche et lumineuse qui comprend une vingtaine d’aquarelles, dont Groupement triangulaire (1954). Borduas transmet son enthousiasme à Marcelle Ferron, qui vit alors à Paris, dans une lettre datée du 19 juin 1954 : « J’ai l’impression de pénétrer de plus en plus le noyau : au centre devrait exister la plus vertigineuse sérénité. »
Les « aquarelles du printemps », dixit Gérard Lortie, ont ceci de particulier qu’elles s’affranchissent peu à peu des éléments plastiques des aquarelles de 1950-1951. L’aire picturale se délie et les signes graphiques adoptent tantôt une grille orthogonale, tantôt une forme calligraphique plus dansante, comme c’est le cas dans la présente œuvre. Qui plus est, les aquarelles à format horizontal s’inscrivent dans une veine résolument végétale et rhizomatique de laquelle Groupement triangulaire se distingue quelque peu. Selon l’historien de l’art François-Marc Gagnon, cette aquarelle « évoque une sorte de paysage abstrait. Les plans s’y succèdent dans l’espace et le “groupement triangulaire” que le peintre a voulu y voir s’impose beaucoup moins à l’œil que cette impression de récession en profondeur ». En effet, comme le jusant d’une marée, les éléments se retirent et s’éloignent doucement au large, suggérant un mouvement de balancier, un « balancement heureux », où l’on devine le clapotis des vagues.
Gagnon propose une parenté stylistique avec les compositions à l’huile de la même période. « Le registre ocre pâle et brun de celles-ci a été remplacé par un vert transparent et des noirs, signifiant le passage de l’hiver au printemps. La scène est la même. Seul le décor a changé comme il convient alors qu’on s’apprête à évoquer les frondaisons et les branches » [nous soulignons]. En somme, Groupement triangulaire garde en mémoire la grille spatiale de sa production récente tout en desserrant les nœuds et les mailles, qui aboutissent à un éploiement plus naturel. On observe également cette tendance dans les aquarelles Dentelle métallique (1954), Les grâces enchantées (1954, coll. de l’Agnes Etherington Art Centre), La magie des signes (1954, coll. du Musée d’art contemporain de Montréal) et Les promesses du vin (1954, coll. du Musée des beaux-arts du Canada).
En juin 1954, une partie de cette production fait l’objet d’une exposition au Lycée Pierre-Corneille, à Montréal, exposition improvisée par Gilles Corbeil, qui profite du passage éclair de Borduas dans la métropole. Les 18 aquarelles y figurent quelques jours seulement, puisque « les œuvres doivent [ensuite] reprendre le chemin de New York avec leur auteur », apprend-on dans un article du Devoir. Bien que la liste des titres n’ait pas été conservée, Groupement triangulaire a certes pu en faire partie avant d’être expédiée à Paris, puis de nouveau à Max Stern avec un lot de toiles et d’aquarelles le 22 août 1956. En parfaite condition, elle s’offre ici dans la douceur de ses flots, tel un véritable retour aux origines.
(Annie Lafleur)
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“Enthusiasm abounds here: hope follows close behind, and, naturally, the painting reflects that.”
– Paul-Émile Borduas in a letter to Claude Gauveau, April 26, 1954.
After moving into a “charming studio in Provincetown” at 198 Bradfort Street, in late April 1953, Paul-Émile Borduas capitalized on a renewed sense of momentum to produce a series of oils and watercolours, the latter of which truly blossomed in the spring of 1954. That rich, luminous group of about twenty watercolours included Groupement triangulaire (1954). In a letter dated June 19, 1954, to Marcelle Ferron, who was living in Paris at the time, Borduas shared his enthusiasm: “I sense that I’m getting closer and closer to the heart of the matter: the centre should be tremendously serene.”
The ”spring watercolours,” as Gérard Lortie called them, are distinct in that they gradually move away from the formal elements in his 1950–51 watercolours. The pictorial surface becomes freer and the graphic elements follow sometimes an orthogonal grid, sometimes a more dance-like calligraphy, as is the case in this work. Moreover, the horizontal watercolours are part of a resolutely botanical and rhizomatic vein, from which Groupement triangulaire differs somewhat. According to art historian François-Marc Gagnon, this watercolour “evokes a sort of abstract landscape. The planes recede in space and the ‘triangular grouping’ that the painter sees is much less striking than his impression of recession.” Indeed, like an ebbing tide, the elements abate and softly fade away, suggesting the movement of a pendulum, a “joyful swaying,” in which one can almost hear the lapping of the waves.
Gagnon points out a stylistic kinship with the oil compositions of that period. “The pale ochre and brown palette of the oils is replaced here by transparent green and blacks, signifying the passage from winter to spring. The scene is the same. Only the décor has changed, as is appropriate when one prepares to evoke foliage and branches” (emphasis added). In short, Groupement triangulaire retains the memory of the spatial grid from Borduas’s then-recent production while loosening its knots and links, resulting in a more natural unfurling. We can also observe this tendency in his watercolours Dentelle métallique (1954), Les grâces enchantées (1954, collection of the Agnes Etherington Art Centre), La magie des signes (1954, collection of the Musée d’art contemporain de Montréal) and Les promesses du vin (1954, collection of the National Gallery of Canada).
In June 1954, selected works from this group were exhibited at the Lycée Pierre-Corneille in Montréal in an improvised exhibition organized by Gilles Corbeil, who took advantage of Borduas’s brief passage through town. The eighteen watercolours were on view only a few days, since “the works must [then] travel to New York with the artist,” according to an article in Le Devoir. Although a list of works was never preserved, Groupement triangulaire was likely part of that exhibition before being shipped to Paris and then back to Max Stern on August 22, 1956, as part of a lot of oils and watercolours. Beautifully preserved, its gently lapping waves have now returned to their home shore.