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Jean Paul Riopelle, Forteresse, 1962
Estimate:
CA$200,000 - CA$250,000
Starting bid:
CA$140,000
Passed
Live Auction
BYDealers – Art canadien important / Important Canadian Art
ARTIST
Jean Paul Riopelle
Description
Techniques/Medium
Huile sur toile / Oil on canvas
Dimensions
64,7 x 80,6 cm / 25 ½ x 31 ¾ in
Signatures
signée au bas à droite / signed lower right
Provenances
Collection particulière / Private collection, Toronto
Mayberry Fine Art, Winnipeg
Evelyn Aimis Fine Art, Toronto
Didier Imbert Fine Art, Paris
Acquavella Modern Art, Reno
Pierre Matisse Gallery, New York
Bibliographie/Literature
MICHAUD, Yves. Jean-Paul Riopelle: the Sixties, Paris, Didier Imbert Fine Art, 1994. Œuvre reproduite en couleurs à la page 9 du cahier « Planches ». / Work reproduced in color on page 9 of the “Plates” section.
ROBERT, Guy. Riopelle, chasseur d’images, Montréal, Éditions France-Amérique, 1981.
RIOPELLE, Yseult. Jean Paul Riopelle : Catalogue raisonné, tome 3, 1960-1965, Montréal, Hibou Éditeurs, 2009. Œuvre reproduite à la page 145. / Work reproduced on page 145. No de catalogue / Catalogue no.: 1962.011H.1962.
En 1962, la carrière de Jean Paul Riopelle bat son plein. Installé à Paris depuis une douzaine d’années, l’artiste à peine âgé de 38 ans jouit déjà d’une solide réputation internationale. De fréquents voyages l’amènent à se déplacer entre l’Europe et l’Amérique, la campagne et la mer, et, par la même occasion, à renouveler sans cesse ses inspirations et à multiplier les rencontres; ses œuvres, exposées sur les deux continents, le suivent à la trace. Cette année pivot voit se concrétiser deux importantes expositions, l’une à la Galerie Jacques Dubourg, à Paris, et l’autre à la Biennale de Venise, où l’artiste occupe à lui seul le pavillon du Canada. Il y remporte d’ailleurs le Prix de l’UNESCO, distinction qu’aucun autre artiste canadien n’a encore décrochée à ce jour.
L’année 1962 est aussi celle d’une production faste : des dizaines d’aquarelles et de peintures voient le jour, ainsi qu’une nouvelle fournée de bronzes. À propos de cette période, Guy Robert écrit : « la figuration semble vouloir poindre discrètement à travers la broussaille des coups de spatule [tandis que] certains graphismes annoncent, de leur côté, les futurs Jeux de ficelle. » En effet, les références à la nature se multiplient dans l’œuvre de Riopelle au tournant de cette décennie, tandis que se dessinent – tant dans ses œuvres sur papier que sur toile – des arabesques, des boucles, des croisements et des spirales, particulièrement visibles dans Forteresse, exécutée en 1962.
Voici une observation reprise au vol par le critique d’art Yves Michaud dans le catalogue d’exposition Riopelle: the Sixties, où figure le présent tableau : « Ce qu’il y a de frappant, dans les huiles des années 1960, c’est l’apparition graduelle de formes qui, superposées aux nombreux coups de pinceau ténus, confèrent à la toile un deuxième niveau d’organisation pour finalement mener à la figure. C’est le cas dans Tour génoise, dont le titre est à propos, ainsi que dans le triptyque Les masques et les peintures Forteresse, Futaie, Progression, [etc.]. Un motif se superpose à l’organisation des touches de couleur. » [Trad. libre.] Dans Forteresse, écriture, découpage et masse se passent le relais sans se concurrencer, à la recherche d’un équilibre sitôt trouvé à même les contreforts bien ancrés du sujet et l’habillage organique, sorte de canopée d’automne recouvrant un fort imaginaire.
Au sens figuré comme au sens propre, le mot forteresse évoque ce qui résiste aux atteintes et aux actions extérieures. Il s’agit d’une construction destinée à protéger, d’un territoire à défendre – d’une chose à soi, non négociable. Dans le cas qui nous occupe, il s’agirait à la fois de la liberté d’expression du peintre et de son insoumission aux carcans esthétiques de l’époque. Riopelle est « hanté par une seule préoccupation, écrit Robert, ne pas s’enfermer dans une avenue, dans une manière, dans un style, et cherche sans cesse à inventer, à se renouveler, à figurer par débordement ». Ainsi, les tableaux qui surgissent de cette décennie – Forteresse étant parmi les plus flamboyants – gagnent en langage ce qu’ils ont acquis en forme durant la décennie précédente. L’union des deux forces engendre des pièces éminemment originales et distinctives où le caractère fougueux et la parole libre du peintre prédominent. (A. L.)
—
In 1962, Jean Paul Riopelle’s career was well underway. Barely thirty-eight, he had been living in Paris for over a decade and had established a solid international reputation. His frequent trips between Europe and North America, and from countryside to seaside, provided endless inspiration and many new acquaintances along the way. The ensuing works were exhibited on both continents. This pivotal year culminated in two important exhibitions: one at Galerie Jacques Dubourg, in Paris, and the other at the Venice Biennale, where Riopelle occupied the entire Canada Pavilion and went on to win the UNESCO Prize, a distinction no other Canadian artist has been awarded since.
The year 1962 was also highly productive. Riopelle created dozens of watercolours and oil paintings, as well as a new series of bronze works. Writing about this period, Guy Robert observes, “Figuration seems to want to discreetly peek through the tangles of palette-knife strokes, [while] other markings foretell a Jeux de ficelle” (translation ours). Indeed, references to the natural world began to multiply early in this decade, as arabesques, loops, criss-crosses, and spirals emerged both in his works on paper and on his canvases, particularly in Forteresse, painted in 1962.
In Jean Paul Riopelle, the sixties, an exhibition catalogue in which this painting appears, art critic Yves Michaud writes, “What is also striking in the oil paintings of the 1960s is the gradual appearance of forms which, superimposed on the abundance of tiny strokes, lend a second organization to the canvas and ultimately lead to the figure. This is the case in the appropriately named Tour génoise (Genoese Tower), in the triptych Les masques, in paintings such as Forteresse, Futaie, Progression, [etc.]. A pattern comes to be superimposed on the organization of the strokes of color.” In Forteresse, writing, decoupage, and mass play off one other without competing, seeking and quickly finding balance within the subject’s well-anchored uprights and organic embellishment—a kind of autumnal canopy covering an imaginary fort.
In both its literal and figurative senses, the word “fortress” refers to that which resists attack and external influence. As a structure, it is meant to protect, to defend a territory—something that is unequivocally one’s own. In this case, it may refer to both Riopelle’s freedom of expression and his insubordination to the aesthetic constraints of that period. Riopelle is “haunted by a single preoccupation,” Robert writes, “to not lock himself into a single track, manner, or style, but to constantly invent, to renew himself, to overflow” (translation ours). The paintings that emerge from this decade—Forteresse being among the most flamboyant—gain in their language what they acquired in form during the 1950s. The union of these two forces produces eminently original, distinctive works in which Riopelle’s fiery character and free expression prevail.
Huile sur toile / Oil on canvas
Dimensions
64,7 x 80,6 cm / 25 ½ x 31 ¾ in
Signatures
signée au bas à droite / signed lower right
Provenances
Collection particulière / Private collection, Toronto
Mayberry Fine Art, Winnipeg
Evelyn Aimis Fine Art, Toronto
Didier Imbert Fine Art, Paris
Acquavella Modern Art, Reno
Pierre Matisse Gallery, New York
Bibliographie/Literature
MICHAUD, Yves. Jean-Paul Riopelle: the Sixties, Paris, Didier Imbert Fine Art, 1994. Œuvre reproduite en couleurs à la page 9 du cahier « Planches ». / Work reproduced in color on page 9 of the “Plates” section.
ROBERT, Guy. Riopelle, chasseur d’images, Montréal, Éditions France-Amérique, 1981.
RIOPELLE, Yseult. Jean Paul Riopelle : Catalogue raisonné, tome 3, 1960-1965, Montréal, Hibou Éditeurs, 2009. Œuvre reproduite à la page 145. / Work reproduced on page 145. No de catalogue / Catalogue no.: 1962.011H.1962.
En 1962, la carrière de Jean Paul Riopelle bat son plein. Installé à Paris depuis une douzaine d’années, l’artiste à peine âgé de 38 ans jouit déjà d’une solide réputation internationale. De fréquents voyages l’amènent à se déplacer entre l’Europe et l’Amérique, la campagne et la mer, et, par la même occasion, à renouveler sans cesse ses inspirations et à multiplier les rencontres; ses œuvres, exposées sur les deux continents, le suivent à la trace. Cette année pivot voit se concrétiser deux importantes expositions, l’une à la Galerie Jacques Dubourg, à Paris, et l’autre à la Biennale de Venise, où l’artiste occupe à lui seul le pavillon du Canada. Il y remporte d’ailleurs le Prix de l’UNESCO, distinction qu’aucun autre artiste canadien n’a encore décrochée à ce jour.
L’année 1962 est aussi celle d’une production faste : des dizaines d’aquarelles et de peintures voient le jour, ainsi qu’une nouvelle fournée de bronzes. À propos de cette période, Guy Robert écrit : « la figuration semble vouloir poindre discrètement à travers la broussaille des coups de spatule [tandis que] certains graphismes annoncent, de leur côté, les futurs Jeux de ficelle. » En effet, les références à la nature se multiplient dans l’œuvre de Riopelle au tournant de cette décennie, tandis que se dessinent – tant dans ses œuvres sur papier que sur toile – des arabesques, des boucles, des croisements et des spirales, particulièrement visibles dans Forteresse, exécutée en 1962.
Voici une observation reprise au vol par le critique d’art Yves Michaud dans le catalogue d’exposition Riopelle: the Sixties, où figure le présent tableau : « Ce qu’il y a de frappant, dans les huiles des années 1960, c’est l’apparition graduelle de formes qui, superposées aux nombreux coups de pinceau ténus, confèrent à la toile un deuxième niveau d’organisation pour finalement mener à la figure. C’est le cas dans Tour génoise, dont le titre est à propos, ainsi que dans le triptyque Les masques et les peintures Forteresse, Futaie, Progression, [etc.]. Un motif se superpose à l’organisation des touches de couleur. » [Trad. libre.] Dans Forteresse, écriture, découpage et masse se passent le relais sans se concurrencer, à la recherche d’un équilibre sitôt trouvé à même les contreforts bien ancrés du sujet et l’habillage organique, sorte de canopée d’automne recouvrant un fort imaginaire.
Au sens figuré comme au sens propre, le mot forteresse évoque ce qui résiste aux atteintes et aux actions extérieures. Il s’agit d’une construction destinée à protéger, d’un territoire à défendre – d’une chose à soi, non négociable. Dans le cas qui nous occupe, il s’agirait à la fois de la liberté d’expression du peintre et de son insoumission aux carcans esthétiques de l’époque. Riopelle est « hanté par une seule préoccupation, écrit Robert, ne pas s’enfermer dans une avenue, dans une manière, dans un style, et cherche sans cesse à inventer, à se renouveler, à figurer par débordement ». Ainsi, les tableaux qui surgissent de cette décennie – Forteresse étant parmi les plus flamboyants – gagnent en langage ce qu’ils ont acquis en forme durant la décennie précédente. L’union des deux forces engendre des pièces éminemment originales et distinctives où le caractère fougueux et la parole libre du peintre prédominent. (A. L.)
—
In 1962, Jean Paul Riopelle’s career was well underway. Barely thirty-eight, he had been living in Paris for over a decade and had established a solid international reputation. His frequent trips between Europe and North America, and from countryside to seaside, provided endless inspiration and many new acquaintances along the way. The ensuing works were exhibited on both continents. This pivotal year culminated in two important exhibitions: one at Galerie Jacques Dubourg, in Paris, and the other at the Venice Biennale, where Riopelle occupied the entire Canada Pavilion and went on to win the UNESCO Prize, a distinction no other Canadian artist has been awarded since.
The year 1962 was also highly productive. Riopelle created dozens of watercolours and oil paintings, as well as a new series of bronze works. Writing about this period, Guy Robert observes, “Figuration seems to want to discreetly peek through the tangles of palette-knife strokes, [while] other markings foretell a Jeux de ficelle” (translation ours). Indeed, references to the natural world began to multiply early in this decade, as arabesques, loops, criss-crosses, and spirals emerged both in his works on paper and on his canvases, particularly in Forteresse, painted in 1962.
In Jean Paul Riopelle, the sixties, an exhibition catalogue in which this painting appears, art critic Yves Michaud writes, “What is also striking in the oil paintings of the 1960s is the gradual appearance of forms which, superimposed on the abundance of tiny strokes, lend a second organization to the canvas and ultimately lead to the figure. This is the case in the appropriately named Tour génoise (Genoese Tower), in the triptych Les masques, in paintings such as Forteresse, Futaie, Progression, [etc.]. A pattern comes to be superimposed on the organization of the strokes of color.” In Forteresse, writing, decoupage, and mass play off one other without competing, seeking and quickly finding balance within the subject’s well-anchored uprights and organic embellishment—a kind of autumnal canopy covering an imaginary fort.
In both its literal and figurative senses, the word “fortress” refers to that which resists attack and external influence. As a structure, it is meant to protect, to defend a territory—something that is unequivocally one’s own. In this case, it may refer to both Riopelle’s freedom of expression and his insubordination to the aesthetic constraints of that period. Riopelle is “haunted by a single preoccupation,” Robert writes, “to not lock himself into a single track, manner, or style, but to constantly invent, to renew himself, to overflow” (translation ours). The paintings that emerge from this decade—Forteresse being among the most flamboyant—gain in their language what they acquired in form during the 1950s. The union of these two forces produces eminently original, distinctive works in which Riopelle’s fiery character and free expression prevail.